Grasset - janvier 2017 - 175 pages
Vie de ma voisine est une oeuvre littéraire originale qui situe entre la biographie et le roman. Ce projet littéraire est venue à l'esprit de Geneviève Brisac après avoir échangé longuement avec sa nouvelle voisine, désormais amie, Jenny Plocki. Au tout début de leur rencontre, c'est d'une autre femme qu'elles ont parlé : l'écrivaine Charlotte Delbo qui n'est plus de ce monde. Charlotte et Jenny étaient amies. Elles avaient entre autres comme point commun d'avoir subi, directement pour la première et indirectement pour la seconde, le traumatisme de la déportation des juifs durant la seconde guerre mondiale.
Née en 1925 de parents juifs polonais immigrés en France avant sa naissance, Jenny Plocky a perdu ses parents lors de la rafle du Vel'd'Hiv. Se retrouvant seule à dix-sept ans avec son jeune frère, elle a dû faire face à la terrible absence de ses parents puis se résoudre à leur disparition définitive, quand elle a compris qu'ils ne reviendraient pas. Toute sa vie, elle a cherché à reconstituer ce qui s'est passé entre le moment où ses parents ont quitté le Vel'd'Hiv et celui où ils sont morts, ce qui ne l'a pas empêchée d'aller de l'avant.
Geneviève Brisac relate assez longuement l'enfance de Jenny. Une enfance pauvre mais heureuse. Entourée par un père très cultivé et une mère au grand sens pratique, Jenny a grandi dans un foyer uni qui tout fait pour s'intégrer en France. Elle travaillait très bien à l'école et faisait la fierté de ses parents. Leur sérénité sera anéantie par la montée du nazisme. En 42, après la déportation de ces derniers, Jenny continuera à aller à l'école, soutenue par son amie de toujours et les parents de cette dernière. Elle deviendra institutrice.
Sans le drame qui l'a touchée alors qu'elle était adolescente, Jenny aurait peut-être été une personne différente, moins engagée. Elle a milité toute sa vie contre les injustices et espéré un monde meilleur. Combative, elle n'a jamais baissé les bras. C'est une grande partie du siècle que nous balayons avec ce récit. Si la shoah occupe une grande place, il est question également de l'évolution des idées (mai 68, la place des femmes dans la société...).
La vie de Jenny Plocky méritait plus que le détour et Geneviève Brisac l'a couchée sur le papier avec originalité, mêlant ses propres réflexions à celles de sa nouvelle amie. Toutes deux ont en commun l'amour des livres et de la culture et cette complicité transparaît au travers des lignes de l'ouvrage.
En faisant des recherches sur Jenny Plocky, j'ai trouvé un témoignage vidéo passionnant et bouleversant qui complète ce que l'on apprend dans le roman (ici).
Une lecture émouvante et enrichissante.
L' avis de Eva (qui m'a donné envie de découvrir ce roman). Celui de Aifelle
Lu dans le cadre d'une opération "Masse critique" de Babelio