
Au diable Vauvert - janvier 2019 - traduit de l'anglais (australien) par Gaëlle Rey
"Parfois, la famille n'est pas un cadeau, mais une épreuve d'endurance. Et parfois, pour tenir le coup, il vous faut prendre vos distances. Voilà pourquoi j'ai passé tant d'années de ma vie d'adulte loin de ma famille. La plupart du temps, je n'arrivais pas à supporter ma mère. Pourtant, je suis rentrée à la maison cinq ans avant sa mort. Pour suture les plaies. Faire en sorte que ça fonctionne. Prouver que c'était possible. Je deviendrais folle aujourd'hui, si je ne l'avais pas fait".
Dans cet récit autobiographique, Nikki Gemell évoque essentiellement deux sujets : les relations mère-fille et l'euthanasie". Le mort brutale de sa mère a en effet amené l'auteure à pencher sur ces thèmes simultanément. Elle nous livre ici le fuit de ses recherches et de sa réflexion.
Le livre s'ouvre sur une scène qui annonce la couleur. On vient d'annoncer à Nikki Gemell que sa mère est décédée. Elle comprend vite qu'il s'agit d'un suicide et devine, sans l'accepter d'emblée, que sa mère a choisi de mettre fin à des douleurs chroniques qui lui empoisonnaient la vie.
Pour l'auteure, c'est d'abord un énorme choc et la culpabilité de ne rien avoir vu venir. Puis c'est un sentiment de colère face à un geste qui lui parait terriblement égoïste. Ce n'est qu'au terme d'un cheminement intérieur, aidé par l'écriture de ce récit, qu'elle parviendra à voir les choses autrement. Elle verra alors dans ce geste une forme courage, de détermination à ne pas subir sa vie.
Le sujet est difficile et Nikki Gemell va au fond des choses. Elle s'est beaucoup documentée sur l'euthanasie, sur la gestion des douleurs chroniques. Elle a constaté l'impuissance de la médecine à soulager durablement une douleur qui s'installe dans le temps. Il parait difficile d'admettre que l'on n'ait pas, en 2019, les moyens de venir à bout des souffrances physiques chroniques mais cela semble pourtant être le cas.
Le récit nous offre également le portrait de la mère disparue, une femme très belle mais peu douée pour les relations mère-fille ce qui crée chez la narratrice une souffrance, un manque terrible. Pour ne pas reproduire ce qu'elle a vécu, Nikki Gemell donne beaucoup à sa propre cellule familiale, jusqu'à ce que l'épuisement la gagne, parfois.
Voilà un récit qui ne peut laisser indifférent, qui bouscule et questionne. La narratrice parvient à avoir, au terme du roman, une position clairement favorable à l'euthanasie. J'avoue qu'elle m'a un peu forcée à réfléchir à un sujet que j'ai tendance à fuir. Je lui en suis reconnaissante même si cela n'a pas été une lecture facile.
Un intime récit touchant et intéressant.
C'est un coup de coeur pour Antigone.