Arléa 2024 - 234 pages
Dans ce roman autobiographique aux accents nostalgiques, Marie Sizun nous propose de visiter, à ses côtés, l'appartement de son enfance. Dans ce petit logement situé dans le 20ème arrondissement de la région parisienne, Marie vit une relation fusionnelle avec sa mère, avant que son père ne revienne de la guerre. Ce père qu'elle ne connait pas voudra, à son retour, reprendre les choses en mains et imposer une discipline à laquelle Marie n'est pas habituée. Quand l'homme choisira, au bout de quelques années, de les quitter pour une autre femme, ce sera un soulagement pour la petite fille.
L'appartement est extraordinaire aux yeux de Marie. Ce n'est que quelques années plus tard, quand elle se rendra chez des camarades de classe, que Marie mesurera la vétusté et l'étroitesse de son propre logement. Quand elle devra quitter son cocon pour l'école, des difficultés se présenteront à elle. Marie n'a pas les codes, souffre du regard des autres sur ses vêtements démodés et pas toujours très propres. Fort heureusement, un changement d'établissement scolaire lui donnera une seconde chance qu'elle saura saisir. Pour autant, son enfance et adolescence, marquées par la pauvreté et par la santé mentale parfois défaillante de sa mère, ne seront pas un long fleuve tranquille.
Ce n'est pas la première fois que Marie Sizun évoque son passé mais elle le fait cette fois en choisissant clairement le récit autobiographique. C'est avec beaucoup de sincérité, de sensibilité et de grâce que l'écrivaine nous raconte son enfance, faisant de ce petit appartement le personnage central de son récit. On perçoit tout l'amour de Marie pour sa mère, un amour inconditionnel que la maladie et les difficultés financières n'ont pas abimé. Décrivant avec minutie la vie d'une enfant des classes populaires de l'après-guerre à Paris, Marie Sizun donne à son récit une portée sociologique.
Un très beau récit, vraiment.
Un extrait du début du roman :
"Ma vie commence au petit appartement. C’est mon écorce, ma coquille, mon nid. Je ne sais rien de lui, mais sa lumière, ses couleurs, son odeur sont à moi autant que la présence de ma mère.
J’ai trois ans, cinq, sept, dix ans, douze, quinze, seize, et je suis encore dans l’appartement. Mes connaissances se sont un peu enrichies, mais de l’appartement, je ne me dissocie pas encore. C’est un être vivant, fraternel, jumeau. Il est moi comme je suis lui, comme on peut s’aimer ou se haïr sans jamais cesser d’être soi.
Je le quitterai. Je vivrai ailleurs. Loin. Mais il sera toujours là. Au fond de moi.
Il est mon enfance et quelque chose de plus, comme un secret. Une empreinte génétique. Une deuxième peau, inaliénable."