Dans le cadre du Prix Inter-Ce, Martine Sonnet présentait jeudi soir à la médiathèque de Landerneau « Atelier 62 » un livre atypique dans la sélection, à mi-chemin entre le récit intime et le documentaire.
Historienne, elle rend dans cet ouvrage un hommage extrêmement fort et émouvant à son père, qui a travaillé aux forges de l’usine Renault de Billancourt, dans les années 50. Elle salue également le courage de tous ces travailleurs de force qui se sont souvent ruiné la santé, travaillant dans des conditions extrêmement difficiles (chaleur, cadences…) mais fiers de leur métier. La construction du livre est simple : un chapitre sur deux est consacré aux forges, l’autre, très personnel, à l'histoire familiale des Sonnet.
Martine a six mois quand son père quitte son métier d’artisan forgeron en Normandie, pour l’usine Renault de Billancourt. La famille ne le rejoindra que 5 ans plus tard, quand un logement décent sera trouvé. Martine vit des années heureuses dans une cité de Clamart, en déplorant toutefois sa position de petite dernière, qui la met à l’écart de la fratrie. Durant les vacances, la famille retourne en Normandie où Martine s’ennuie à mourir, préférant l’animation de la ville.
La partie plus « documentaire » reprend des extraits de journaux syndicaux de l’époque. Il est beaucoup question de l’amélioration des conditions de travail, demandes qui nous paraissent tellement légitimes et pour lesquelles la direction « botte en touche » constamment. Une des revendications les plus marquantes est celle de la diminution de l’âge de départ à la retraite. Une grande partie des ouvriers mourait jeune, avant même d’avoir pu profiter d’une quelconque retraite. Les chanceux qui ne mouraient pas étaient bien souvent déclassés vers l'âge de 50 ans car ils n’avaient plus la force physique d’assurer leur dur labeur. Ils touchaient à 65 ans une retraite « au rabais ». Révoltant…
Ce livre m’a ému, tout autant que la rencontre avec Martine Sonnet. D’une grande simplicité, à l’écoute de tous, elle nous a parlé avec passion de son livre. Avant d’obtenir une réponse favorable de la maison d’édition « le temps qu’il fait », elle a obtenu 18 réponses négatives, les éditeurs lui reprochant le côté inclassable de son livre. Aujourd’hui, l’aventure continue… Un site est consacré à l’atelier 62 et Martine s’investit dans l’association des anciens travailleurs de Renault. Elle a reçu de nombreux témoignages d’ouvriers, certains ayant connu son père à Billancourt.
Un mot sur la couverture du livre, très émouvante elle aussi puisqu’il s’agit du père de Martine, photographié sur son lieu de travail. On est frappé par sa corpulence, caractéristique des travailleurs de force.
La rencontre a été très vivante. Des ouvriers syndicalistes ont livré leur vision du livre, leur peine face au manque de reconnaissance du monde ouvrier dans le monde d’aujourd’hui. Ils ont remercié Martine Sonnet pour son très beau travail de mémoire. Il a été évoqué également les cités ouvrières de l’époque, bien plus chaleureuses qu’elles ne le sont aujourd’hui. Je ne peux pas tout raconter, je vais donc en rester là. Martine Sonnet a participé à une rencontre à la médiathèque de Lorient. Il existe un enregistrement de cette rencontre, où elle évoque son livre et l'atelier 62. Si cela vous tente, c’est (ici).
Il est des rencontres qui marquent. Celle-ci en fait partie.
Le site de l'Atelier 62 : http://www.martinesonnet.fr/Site/Atelier_62.html
Son blog "L'employée aux écritures" : http://www.martinesonnet.fr/blogwp/
L'avis sur Atelier 62 de : Yvon - Yves