Editions de l'Olivier - 457 pages - aout 2009
Le narrateur, Pierre Rotko, est un grand reporter qui parcourt le monde pour couvrir, entre autres, les guerres contemporaines. Autre sujet qui le fascine depuis toujours : les catastrophes naturelles. Quadragénaire et célibataire, il réside à Paris. Entre deux missions, il rend parfois visite à son père, un ancien avocat qui vit reclus dans son appartement parisien depuis la mort de sa femme. Du passé de son père, Pierre ne sait pas grand-chose sinon qu’il est d’origine russe et qu’il est arrivé en France dans les années 50, à l’age de 20 ans. Le jour où ce dernier manifeste le désir de lui parler enfin de son histoire, la vie de Pierre bascule. Bouleversé par le récit, par le destin de ses grands-parents paternels dont il apprend la triste vérité, il se met en quête de l’histoire familiale. Il réunit la documentation susceptible de l’aider mais comprend vite que cela ne suffit pas, qu’il doit se confronter au réel. Il part alors en Tchétchénie à la recherche de « l’origine du mal »…
Voilà une fresque familiale et historique époustouflante. L’histoire de la famille Rotko nous entraîne dans l’histoire de la Russie, tout en nous plongeant dans plusieurs épisodes marquants de l’histoire mondiale du XXe siècle et du début du XXIème. On y évoque, entre autres, les purges staliniennes, le massacre de Babi Yar, la mort de Staline, les attentats du 11 septembre… J’aime particulièrement Les romans qui mêlent la petite et la grande histoire et Thierry Hesse, professeur de philosophie, réussit l’exercice avec brio. C’est un livre foisonnant, dans lequel on ne se perd jamais car sa construction est parfaitement maîtrisée. Les digressions sont nombreuses mais le fil conducteur du récit se retrouve aisément. L’histoire des grands-parents de Pierre, Franz et Helena, constitue ce fil conducteur. Juifs, ils ont subi le sort tragique que l’on peut imaginer. Quand Pierre part en Tchétchénie, c’est avec l’idée de tenter de comprendre ce qu’a pu vivre sa famille en tant que minorité opprimée. Selon lui : « les tchétchènes sont les Juifs d'aujourd'hui car on les abandonne ».
Bien que le roman soit très ambitieux, il est abordable. La lecture des faits historiques n’est jamais laborieuse, bien au contraire, car la «petite histoire» apporte la touche d’humanité qui manque souvent aux faits bruts. En dehors de l’aspect purement historique, j’ai été impressionnée par la réflexion philosophique de l’auteur sur le sens et l’origine de la violence humaine, violence qui se perpétue de siècle en siècle. Cette réflexion m’a fait penser à celle de Fabrice Humbert dans « l’origine de la violence ». Démon est un roman que je ne peux que conseiller vivement à ceux sont en quête de comprendre un peu mieux l’histoire contemporaine.
Les avis également très positifs de Lapinousinette et Ys
Challenge 2 % rentrée littéraire 2009 : 11 / 14
Lu dans le cadre du Prix des lecteurs du télégramme