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"Je vous écris dans le noir" commence par un avant-propos dans lequel Jean-Luc Seigle nous présente une femme, Pauline Dubuisson, condamnée à la perpétuité en 1953 pour le meurtre de son ex-fiancé (le ministère public avait requis la peine de mort). En se basant sur les faits connus et en comblant les silences, Jean-Luc Seigle offre à la jeune criminelle une réhabilitation littéraire. Je ne connaissais pas Pauline Dubuisson jusqu'ici, pas plus que le film de Couzot inspiré par son histoire : "La vérité" (avec Brigitte Bardot dans le rôle de Pauline). J'ai donc entrepris cette lecture sans aucun à priori.
Jean-Luc Seigle imagine une lettre laquelle la jeune femme se confie. Nous sommes en 1962. Pauline est sortie de prison. Elle est allée voir le film de Clouzot qui l'a bouleversée. Pour tenter de tourner la page, elle a préféré quitter la France pour le Maroc. Là-bas, elle est tombée amoureuse d'un homme qui l'a demandée en mariage. Par honnêté, elle a décidé de lui raconter son histoire. C'est ce récit imaginaire que nous offre l'auteur. Un récit bouleversant dans lequel on découvre une femme intelligente et en avance (trop) pour son époque.
Nous la découvrons à l'adolescence, pendant l'occupation. Ses deux frères sont morts à la guerre, sa mère est sous le choc et Pauline, un peu livrée à elle-même, flirte avec les soldats. Chassée de l'école pour mauvaise conduite, elle est prise en charge scolairement par son père. En 1944, Pauline est embauchée comme infirmière dans un hôpital. Son père l'incite à faire du charme à un beau médecin allemand pour obtenir de la nourriture, elle ne se fait pas prier. A la fin de la guerre, une épreuve terrible l'attend : la tonte publique suivie d'un viol collectif. Jean-Luc Seigle est persuadé que ce traumatisme, vécu par la jeune fille alors qu'elle n'avait que 16 ans, explique en partie le meurtre du fiancé quelques années plus tard. Lors du procès, en 1953, le fait d'avoir été tondue à la libération a au contraire joué en sa défaveur, renforçant son image de femme sans moralité.
La lettre de Pauline, imaginée par Jean-Luc Seigle, est bouleversante. C'est un très beau portrait de femme, très bien construit et d'une grande finesse. Je l'ai lu en apnée, littéralement happée par cette histoire tragique. Je ne sais pas si Jean-Luc Seigle s'approche au plus près de la vérité (Pauline Dubuisson se s'est jamais vraiment dévoilée) mais sa version est tout à fait crédible. Pour tenter d'approcher la psychologie de cette femme, l'écrivain s'est mis dans sa peau, en immersion totale et le résultat est remarquable. Ce qui m'a beaucoup plu également, c'est l'étude du contexte politique et sociologique de l'époque, qui doit être pris en compte pour appréhender, des années plus tard, une affaire judiciaire de ce type.
Un coup de coeur.
Le billet de Clara (aussi enthousiaste que moi)