Actes Sud - 180 pages
Extrait : « Le monde que je vis aujourd'hui n'est pas le monde. Le vrai monde, c'est celui que je pressentais quand j'étais petit et il était immense. C'est le monde que j'ai dans les mains quand je roule à moto, quand je caressais le corps de Karima, quand je touche les livres rares, quand mes mains au fond de mes poches rêvent et que j'ai les yeux levés vers le ciel ou vers une fenêtre éclairée. Il est là, le monde. Je le sais. Je l'ai toujours su. Et tout le reste, c'est pour faire comme les autres. Pour pas avoir l'air trop fou. Pour faire l'homme qui gagne sa croûte et qui n'emmerde personne. Du vent, oui. Du vent. Du mauvais vent. Celui qui te retient au port toute ta putain de vie et qui se lève le jour où t'es trop vieux pour monter la voile. Merde. »
Le narrateur est un ouvrier qui, à l’aube de la quarantaine, s’interroge sur sa vie. Le bac en poche, il aurait pu choisir un autre destin que celui de son père mais par un manque de motivation, voire une sorte de fatalisme, il s’est retrouvé à l’usine, lui aussi. Quand commence le roman, sa compagne vient de le quitter, son usine menace d’être délocalisée, bref, tout va mal. Après un court séjour dans la maison de ses parents, il part seul en bord de mer pour faire le point. Avant de partir, il fait la connaissance de Marcel, un bouquiniste plein de sagesse, qui va lui faire parvenir un livre lui donnera l’irrésistible envie de se rendre au Brésil, dans la ville où son usine doit être délocalisée. Il quitte donc la France pour le Brésil, accompagné de son nouvel ami le bouquiniste…
Voilà un roman passionnant qui se penche sur la place de l’individu dans le processus de la mondialisation. Contrairement à l’époque du père du narrateur, aucune stabilité n’est aujourd’hui garantie au travailleur. La logique économique lui échappe et il subit sa carrière professionnelle plus qu’il ne la mène, et plus encore s’il se trouve en bas de l’échelle. Avons-nous pour autant perdu la maîtrise de nos vies ? Pas si sûr, pour peu que l’on sache cultiver son jardin intérieur. Par le biais de ce personnage qui repend sa vie en main, Jeanne Benameur nous amène à réfléchir sur nos propres choix. Le titre, assez énigmatique, s’éclaire à la lecture de ce beau texte, lucide mais optimiste. Nos vies nous appartiennent et il faut lutter pour en garder la maîtrise…
Réflexion politique, roman initiatique, belle histoire d’amitié mais aussi d’amour, ce roman est riche et foisonnant.
Les avis enthousiastes de : Géraldine - Landibiblog - Bellesahi