Editions de l'Olivier - Collections figures livres - Avril 2009 - 87 pages
Agnès Desarthe choisit ici d’évoquer l’histoire de sa famille en prenant un chemin détourné, que j’ai aimé parcourir. Pour nous parler des siens, elle a centré son récit sur un homme un peu en marge de celle-ci, le grand-père de remplacement, celui qui a épousé sa grand-mère après la disparition de son premier mari à Auschwitz. Sans doute pas aussi beau que le vrai papi, sans doute pas aussi intelligent non plus mais drôle, gentil et attachant.
Derrière le portrait truculent du "Papi Bouz" se dessine celui d’une petite fille sensible et ouverte au monde, mais peu adaptée à l’enseignement théorique proposé par l’école. Allergique aux chiffres et aux faits, ce sont les histoires ont construit la jeune Agnès.
Le récit de la romancière suit le cours de ses pensées, fourmillant d’anecdotes et d’impressions, il s’est imposé à elle ainsi. Au fil des lignes, elle nous dévoile sa vision de l’humanité, qu’elle doit dans doute en partie aux disparus qui ont hanté les murs de son enfance.
A la fin du roman, elle nous présente un autre homme, qui lui aussi a joué un rôle de remplaçant. Il s’agit de Janus Korczak, pédagogue et directeur de l’orphelinat de Varsovie, pendant la shoah. Comme le papi de substitution, il a aimé des enfants qui n’étaient pas issus de sa propre filiation. Le parallèle entre les deux personnages peut sembler « tiré par les cheveux » mais à titre personnel, cela ne m’a pas perturbée.
C’est un très beau texte, court mais d'une grande richesse.
J’ai relevé des tas d’extraits mais comment choisir ? En voilà un, un peu au hasard :
« J’ai conscience d’être un cas extrême, mais j’ai l’impression que nombreux sont les gens qui, tout en pensant pouvoir se fier à leurs représentations, n’ont en fait aucune idée de ce qu’est le monde, de ce qu’il a été. Nous sommes pratiquement incapable de comprendre ce dont nous n’avons pas, personnellement, fait l’expérience et c’est, selon moi, ce handicap qui constitue l’une des sources les plus certaines de la barbarie »