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Ecoutons un livre

Dépôt des liens : Ici

Tous les 28 du mois, je publie un billet récapitulatif des lectures audio des participants. Il n'est pas nécessaire de participer à chaque fois.

 

 

 

2 novembre 2025 7 02 /11 /novembre /2025 21:11

Gallimard - 249 pages

C'est l'histoire d'un couple mixte confronté à l'éducation d'un enfant qui ne correspond pas aux normes. Jonas est juif et Lucie est de culture catholique. Dès la naissance d'Ariel, leur enfant, des tensions liées à leur mixité culturelle surviennent, mais le couple parvient à les surmonter.

L'un et l'autre font des efforts, sachant que c'est pour Lucie que l'effort à fournir est le plus conséquent. En effet, le père de Jonas est très pratiquant, et Jonas souhaite préserver l'équilibre familial. C'est Lucie qui raconte l'histoire, avec humour et un ton enjoué. La jeune femme est un personnage très attachant, auquel il est facile de s'identifier.

Quand Ariel entre à l'école maternelle, la vie du couple bascule peu à peu. Le petit garçon a du mal à gérer ses émotions et se montre violent envers ses petits camarades. Ce comportement se manifeste dans tous les lieux où il côtoie d'autres enfants : au parc, chez des amis... Ses parents finissent par éviter les situations qui pourraient poser problème. Bien entendu, ils s'interrogent sur l'origine de cette violence. Serait-elle en lien avec le passé de déportés des ancêtres de Jonas ? Ils finissent par se décider à consulter une psychologue, qui les oriente sur une autre piste : un manque de cadre éducatif pour Ariel.

L'histoire de cette famille est facilement transposable. Les parents d'aujourd'hui ont souvent des difficultés à poser un cadre à leur enfant. Les générations précédentes ne se posaient pas autant de questions : l'adulte décidait et l'enfant, qui n'avait pas son mot à dire, obéissait. Le juste milieu entre ces deux modes éducatifs n'est pas simple à trouver, et Lucie et Jonas en sont la parfaite illustration. Cette difficulté est parfois accentuée par des différences culturelles au sein du couple. C'est le cas ici.

Ce premier roman a beaucoup de qualités. Le sujet de l'éducation est traité avec finesse et originalité, et l'on apprend beaucoup sur la culture juive à travers le prisme familial. J'ai passé un très bon moment avec les personnages. L'écriture est très fluide, les pages se tournent toutes seules. Cerise sur le gâteau : l'humour est omniprésent et permet de dédramatiser certaines situations.

Pour un premier roman, c'est vraiment une réussite !

Lu dans le cadre d'une opération "Masse critique" de Babelio

 

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28 octobre 2025 2 28 /10 /octobre /2025 16:57
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18 octobre 2025 6 18 /10 /octobre /2025 17:46

Editions de l'Aube -  octobre 2025 - 153 pages

Traduit par Michel Volkovitch et illustré par Anne Defréville

"Je veux garder en mémoire à jamais tout ce qui s'est passé entre nous, l'instant le plus infime – toutes les fois où elle m'a dit « je t'aime », toutes les fois où elle m'a touché de cette façon qu'elle seule, d'instinct, connaissait. Me souvenir à jamais de sa voix quand elle chuchotait, le contact de ses lèvres, l'odeur de son corps. Me souvenir non seulement de ce qui fut dit, mais de tous nos silences. Les gens meurent seulement quand nous les oublions. Gioconda doit rester vivante aussi longtemps que je vivrai – et plus longtemps que moi. Vivante ainsi que je l'ai connue, s'épanouissant sous mes regards, mes caresses, mes baisers."

J'ai lu "Gioconda" une première fois il y a une vingtaine d'années. Je me souviens d'avoir été éblouie par ce roman lumineux qui raconte merveilleusement l'histoire d'amour entre deux adolescents, en Grèce, durant la Seconde Guerre mondiale.

L'histoire, qui se déroule sur deux ans, est racontée par Nikos, désormais âgé d'une quarantaine d'années. Il nous raconte cette prodigieuse histoire d'amour qu'il a vécue avec Gioconda, une jeune voisine juive. Nous savons dès le début du récit que Gioconda et sa famille seront arrêtés et déportés, mettant ainsi un terme à l'histoire d'amour entre les deux adolescents. 

L'auteur nous restitue ses souvenirs avec beaucoup d'émotion et de gratitude pour Gioconda. Ce livre est exceptionnel, tant l'auteur parvient à restituer merveilleusement cet amour — au début platonique — qui évolue peu à peu vers un amour charnel. L'auteur nous fait vivre par procuration la tendresse, puis l'éveil des corps qui apprennent à se connaître. Le choix des mots est tout à fait remarquable, et les relations sexuelles entre les deux adolescents apparaissent comme tout à fait naturelles.

Bien entendu, il y a dans ce livre un fond de tristesse. Comment se remettre de la perte d'un amour aussi fort, aussi pur ? Gioconda a été arrachée à Nikos, et cela nous fend le cœur, même si, pour l'homme, se mêle à la tristesse la joie d'avoir connu un amour aussi fort.

La version proposée par les éditions de l'Aube est très soignée et comprend des illustrations qui nous plongent dans l'ambiance de ce quartier modeste de la Grèce de ces années-là. L'illustratrice donne un visage et un corps aux deux adolescents et restitue elle-aussi cette sensualité entre Nikos et Gioconda.

Un récit à la fois poignant et lumineux

 

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14 octobre 2025 2 14 /10 /octobre /2025 23:33

La boite à Bulles - 176 pages

J'ai lu et vu un grand nombre de documentaires sur Simone Veil et je ne crois pas avoir encore beaucoup à apprendre sur son histoire. Je me suis toutefois intéressée à cet album, qui se propose d'évoquer Simone sous un autre angle, celui des relations entre les sœurs Jacob. L'album s'ouvre sur un échange entre les deux dernières survivantes, Simone et Denise, qui se remémorent leurs souvenirs.

Dans la famille Jacob, nous avons le père, la mère et quatre enfants : un garçon et trois filles, dont Simone. Avant le cataclysme de la guerre, c'est une famille unie dans laquelle les enfants peuvent profiter de leur jeunesse de façon insouciante. Le dessin, plus que les mots, permet de se représenter ce bonheur dont nul n'imagine qu'il vit ses dernières heures. 

Les premières rafles ont lieu en 1942. La famille n'échappera pas aux rafles. Simone sera déportée en 1944 à à Auschwitz-Birkenau avec sa mère et sa sœur ainée, Milou. Les deux sœurs survivront mais pas la mère, Yvonne.

Simone et Denise, les deux survivantes, ont un parcours très différent, bien que toutes deux aient été déportées. Simone l'a été en tant que juive, tandis que Denise l'a été pour des faits de résistance. Au lendemain de la guerre, Denise a le statut d'héroïne, alors que Simone, en tant que victime, a bien du mal à raconter l'indicible, car la population française veut tourner la page. C'est l'un des thèmes forts de l'album : la confrontation des vécus et ressentis de chacune des sœurs.

Bien que l'album soit centré sur la vie familiale de Simone Veil, je ne peux passer sous silence les pages évoquant sa carrière politique. On la retrouve telle que l'a connue, intègre et pugnace.

Le style de dessin, sans être exceptionnel, est agréable à regarder et s'accorde parfaitement avec le texte. C'est un album touchant qui permet de revisiter l'histoire de Simone Veil sous un angle un peu inhabituel.

Participation à la BD de la semaine, aujourd'hui chez Moka

 

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12 octobre 2025 7 12 /10 /octobre /2025 17:27

Gallimard - 381 pages - février 2025

Dan Lehman, ancien président de la République, n'a pas réussi à se faire élire pour un second mandat. Un an après son départ du pouvoir, il est devenu alcoolique et ne parvient pas à revenir sur la scène médiatique. Lehman a quitté Marianne, la mère de ses enfants, pour une actrice, Hilda Muller. Ensemble, ils ont eu une fille pour laquelle il a beaucoup d'affection, mais le couple bat de l'aile.
Nous suivons tour à tour Dan, Hilda et Marianne, mais aussi d'autres personnages comme Nizan, un metteur en scène particulièrement cynique. Il ose même adapter le livre de la première femme de Lehman, en embauchant pour le rôle principal sa seconde épouse. Si le monde politique est remis en cause par Karine Tuil, ce n'est rien à côté de l'univers du cinéma qu'elle décrit comme impitoyable.
Dans ce roman à la construction impeccable, Karine Tuil aborde différents sujets de société. Ses personnages sont très aboutis et leur psychologie est finement analysée. J'ai particulièrement aimé le personnage de Marianne. Quittée par son mari pour une femme plus jeune, elle fait preuve d'une grande dignité.
Il est difficile de restituer tous les sujets abordés dans ce livre, mais j'en ai trouvé un particulièrement bien traité : celui de l'alcoolisme. Au travers du personnage de Lehman, l'écrivaine illustre la souffrance de la personne soumise à une addiction, ses relations compliquées avec son entourage, les stratégies pour cacher sa dépendance et la souffrance indescriptible du manque.
"La guerre par d'autres moyens" est un roman intelligent qui tient en haleine, surtout dans sa seconde partie. Karine Tuil est sans nul doute une romancière talentueuse et une fine observatrice du monde dans lequel elle vit.

Un très bon roman.

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4 octobre 2025 6 04 /10 /octobre /2025 23:54

Ecoutez lire (Gallimard) - 2024 - 7h

"Ce qu’il y a d’insupportable dans la résilience c’est l’idée que toute cette souffrance ne conduise qu’à être normal. Accepter que ce que les autres ont sans effort ne lui est donné qu’au prix d’une double peine : le martyre et le chemin de croix de la guérison."

C'est avec une certaine appréhension que j'ai abordé ce récit dans lequel Neige Sinno évoque le viol qu'elle a subi enfant. Maintenant que je l'ai lu, je peux affirmer que c'est un texte essentiel, qui n'épargne pas le lecteur mais lui fait voir la vérité en face. L'inceste est malheureusement très répandu et traverse tous les milieux. Il est capital de le savoir pour protéger les plus jeunes, car l'enfant, bien souvent, ne peut pas parler de sa propre initiative.

Pour ceux qui hésitent à le lire, sachez que ce livre n'est pas qu'un témoignage. L'autrice raconte son histoire tout en l'analysant. Elle se questionne notamment sur "l'origine du mal" : comment un être humain, ici le beau-père, peut-il faire autant de mal à un autre, d'autant plus vulnérable qu'il s'agit d'un enfant ?

Neige Sinno interroge les motivations de son bourreau pour tenter de trouver des réponses : « Il disait qu’il m’aimait. Il disait que c’est pour pouvoir exprimer cet amour qu’il me faisait ce qu’il me faisait, il disait que son souhait le plus cher était que je l’aime en retour. » Son beau-père lui reprochait de ne pas être proche de lui. Elle explore l'idée selon laquelle le viol est un acte pseudo-sexuel, lié au contrôle et à la domination, et non pas principalement à un désir sexuel.

Neige Sinno s'interroge également sur l'usage de la littérature pour raconter son vécu. Elle explique que l'écriture a été un chemin douloureux, et que celle-ci ne l'a pas sauvée. En pensant au parcours du combattant de tous les enfants victimes d'inceste pour continuer à vivre, j'ai fini mon écoute le cœur serré.

Le récit est lu par l'autrice elle-même. Si ce n'est pas toujours un choix judicieux, c'est ici une réussite. L'autrice restitue son texte avec force et justesse, rendant son interprétation très percutante.

À lire absolument.

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30 septembre 2025 2 30 /09 /septembre /2025 20:44

J'ai décidé de relancer cette rubrique dans laquelle, il y a quelques années, j'évoquais mes découvertes du mois : films, spectacles, podcasts et autres.

Pour moi, le mois de septembre a été un peu particulier. Suite à mon accident de juillet, ma mobilité n'est pas encore parfaite. Je reprends peu à peu mes activités habituelles, mais je ne peux pas encore faire de yoga, par exemple. Je me suis donc inscrite à des cours de Qi Gong, qui sont plus adaptés à ma mobilité actuelle. Les premiers cours m'ont beaucoup plu.

Au niveau culturel, voici mes découvertes du mois :

Une série : Downton Abbey sur Netfix

Passant un peu plus de temps à la maison et désireuse d'améliorer mon anglais, j'ai regardé la série "Downton Abbey" en VO avec les sous-titres en anglais. La série est très agréable à regarder, assez addictive je dois dire. J'ai eu du mal à me limiter à deux épisodes par jour.

La série suit la vie d'une famille aristocratique britannique et de ses domestiques, des années 1910 à 1930. Son originalité réside dans le fait que nous sommes alternativement "upstairs" et "downstairs". La famille aristocratique est composée d'un couple et de leurs trois filles. Gravitent autour de ces cinq personnes les grands-mères, oncles et tantes, cousins, cousines et, peu à peu, les "pièces rapportées". On voit l'état d'esprit de la famille s'ouvrir progressivement à la modernité, à tous points de vue. Du côté des domestiques, il y a aussi une évolution. Eux aussi se rendent compte, peu à peu, qu'ils vivent la fin d'une époque.

La série étant composée de six saisons, nous suivons chaque personnage de façon assez approfondie. J'ai beaucoup aimé la série, même si je ne suis pas persuadée que de nombreux domaines aristocratiques fonctionnaient de façon aussi harmonieuse entre les maîtres et les domestiques.

Un podcast : 

Sandrine, du blog "Tête De Lecture" a créé sa propre chaîne de Podcasts "TOUTOUI". 

Présentation par sa créatrice :

"C'est un podcast qui vous raconte l'actualité d'hier. Deux formats : des histoires courtes (5 à 7 minutes) d'Hortense Broudic, reporter (fictive) qui rapporte des anecdotes sur son époque (la Troisième République : 1871-1940) ; de longs récits (de 40 à 50 minutes) au cœur de la presse et des faits divers à la même époque. C'est sordide et racoleur mais passionnant. Quel que soit le format, il s'agit toujours d'histoires vraies, trouvées dans les journaux. Je n'invente rien." 

Voici le lien vers la chaîne : https://podcast.ausha.co/toutoui

Longue vie à Toutoui  !

Un film : 

Mon village n'a pas de cinéma, mais une équipe de passionnés a monté un ciné-club qui nous propose environ une fois par mois un film dans la salle de spectacle du village. Ce mois-ci, c'était "Le roman de Jim".

"Le Roman de Jim" est un film français sorti en 2024 et réalisé par les frères Larrieu. Il s'agit de l'adaptation du roman éponyme de Pierric Bailly, que je n'ai pas lu. J'avais cependant beaucoup aimé un autre titre de cet auteur, "La Foudre", paru en 2023.

Nous suivons un jeune homme, Aymeric, sur une vingtaine d'années. Tout commence par sa rencontre avec une jeune femme enceinte qui le choisit comme papa de substitution pour son futur enfant. Sept ans plus tard, le père biologique réapparaît et les choses se gâtent. Aymeric est un gentil garçon qui ne prend pas vraiment d'initiatives, se laissant porter par la vie. Il va apprendre à ses dépens que ce n'est pas toujours la bonne solution...

"Le Roman de Jim" est un film très émouvant avec des personnages attachants. Karim Leklou incarne vraiment parfaitement la nonchalance d'Aymeric, que je ne voudrais pas trop accabler, car c'est par ailleurs un très chic type. J'ai beaucoup aimé également Sara Giraudeau qui ne joue pas un grand rôle, mais qui apporte beaucoup de fraîcheur et de pétillance dans la seconde partie du film.

 

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28 septembre 2025 7 28 /09 /septembre /2025 14:42

Voici le récapitulatif des écoutes des participantes pour ce mois de septembre :

Sibylline :

Voici venir les rêveurs - Imbolo Mbue

 

Enna :

Le Prince des marées - Pat Conroy 

Mr Mercedes - Stephen King

 

Géraldine : 

Journal de ma disparition - Camilla Grebe

Le portrait de Dorian Gray  - Oscar Wilde

L'heure bleue - Paula Hawkins

 

Sylire :

De pierre et d'os - Bérangère Cournut

 

Manika (qui nous partage des écoutes de l'été) :

La boite à magie - Camilla Lackerg et Henrik Fexeu

Un amour infaillible - Anne Ragde

Le souffle du guerrier de la lumière - Isabelle Jarrote

Si vous souhaitez participer, vous pouvez déposer les liens ici ou m'envoyer un mail à sylir@orange.fr

 

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24 septembre 2025 3 24 /09 /septembre /2025 23:01

Lu par Marianne Denicourt - 295 pages

LU EN 2024

"Penchée sur la flaque, je n'ai pas entendu le grondement au loin. Lorsque je sens la vibration dans mes jambes, il est trop tard : la banquise est en train de se fendre à quelques pas de moi. L'igloo est de l'autre côté de la faille, ainsi que le traîneau et les chiens.
Je pourrais crier mais cela ne servirait à rien."

Une nuit, une fracture dans la banquise sépare une jeune fille inuite de sa famille. La situation est dramatique : Uqsuralik se retrouve seule, sans abri, perdue dans le noir. N'ayant d'autre choix que de marcher pour tenter de trouver un refuge, elle fait preuve d'une débrouillardise impressionnante et parvient à survivre. Elle finit par  se joindre à un autre groupe...

De pierre et d'os est un très beau roman d'initiation et d'aventure. C'est aussi un voyage dépaysant et poétique au pays des Inuits. J'ai beaucoup aimé cheminer aux côtés d'Uqsuralik, tremblant pour elle quand le danger la guette et me réjouissant des moments de bonheur que la vie lui réserve.

"Il n’y a pas de remède miracle, rien qui puisse tout effacer pour toujours. Il n’y a que des petits pas en avant : une journée plus facile, un rire inattendu, un miroir qui n’a plus d’importance."

La version audio est particulièrement réussie. La lectrice offre une belle interprétation du texte et des sons accompagnent le texte : des bruits d' animaux, le ruissellement de la banquise, des chants inuits...

 

Challenge "Ecoutons un livre"

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21 septembre 2025 7 21 /09 /septembre /2025 14:15

POL août 2025 - 560 pages

"Quand nous étions malades, nous avions le droit de dormir avec elle. Elle appelait cela faire kolkhoze, et nous aimions passionnément ce dortoir improvisé autour de sa présence."

Emmanuel Carrère est un auteur dont j'attends avec impatience la publication d'un nouveau livre. J'ai donc acheté Kolkhoze dès sa sortie, et j'avais hâte de m'y plonger. J'ai pris mon temps pour le lire, car les thèmes abordés sont nombreux et je ne voulais pas bâcler ma lecture.

Dès les premières lignes, j'ai retrouvé avec bonheur le style d'écriture d'Emmanuel Carrère, d'une grande fluidité. J'aime particulièrement la manière dont il structure ses ouvrages, s'attachant à ne jamais perdre le lecteur. Dans Kolkhoze, il divise son récit en trente chapitres dotés de sous-titres qui nous aident à suivre le cheminement de sa pensée. La table des matières offre un plan détaillé de l'ouvrage, ce que j'ai trouvé très utile.

Le personnage central du récit est Hélène Carrère d'Encausse, la mère d'Emmanuel. Historienne et grande spécialiste de la Russie, elle a été membre de l'Académie française à partir de 1990 et a occupé la fonction de Secrétaire perpétuel de l'institution.

Il est également question du père d'Emmanuel Carrère, que l'écrivain présente comme un personnage attachant, un peu effacé. L'homme vivait dans l'ombre de sa femme, qu'il admirait. Une fois à la retraite, Louis Carrère d'Encausse s'est intéressé à la généalogie familiale (essentiellement du côté de sa femme). Grâce à ses travaux, Emmanuel Carrère a pu se plonger facilement dans l'histoire de sa famille sur quatre générations.

Du côté de sa mère, l'écrivain est d'origine russe et géorgienne, issu d'une famille d'aristocrates et d'intellectuels qui a fui la Révolution russe. Arrivés en France, ils ont vécu très modestement, cherchant à s'intégrer sans renier leur culture d'origine. Un arbre généalogique aurait été appréciable, mais je m'en suis fabriqué un moi-même pour ne pas me perdre.

Parmi les nombreux personnages présentés dans ce livre, certains sont plus marquants que d'autres. Quelques-uns, dont le grand-père maternel de l'écrivain, ont un passé peu glorieux. Hélène Carrère d'Encausse et son frère Nicolas en ont beaucoup souffert, mais les répercussions sur leur vie n'ont pas été les mêmes. Emmanuel évoque longuement son oncle Nicolas dont il était très proche.

Plusieurs chapitres du livre sont consacrés aux relations de l'auteur avec ses parents et, en particulier, avec sa mère. Elle était assez maternelle, mais s'est durcie par la suite. Elle se montrait intransigeante avec son mari, qu'elle reléguait au second plan. Telle que décrite par son fils, qui pourtant lui rend hommage, il est difficile de la trouver sympathique. Je salue toutefois son courage et son incroyable dignité jusqu'à la fin de sa vie.

"La jeune femme enthousiaste et sérieuse autour de qui mes sœurs et moi nous faisions Kolkhoze a été remplacée. Le visage de maman, dont je pensais être pour toujours le petit Hélénou, est devenu dur, à la fois effrayé et effrayant."

Hélène Carrère d'Encausse était une historienne éminente et une spécialiste de la Russie, régulièrement consultée. Emmanuel Carrère n'hésite pas, cependant, à souligner les erreurs de jugement de sa mère qui, par exemple, n'a pas vu venir la guerre en Ukraine et a parfois fait preuve d'une certaine complaisance envers Poutine avant la guerre.

J'ai beaucoup aimé ce livre. Je l'ai trouvé très riche en contenu et assez drôle par moments, car l'auteur glisse dans son récit quelques anecdotes savoureuses. J'ai aussi beaucoup apprécié les récits de voyage sur les traces de ses ancêtres, notamment en Géorgie, où il n'a mis les pieds qu'à l'âge de 64 ans. La Géorgie est un pays que je connais fort mal, j'ai donc trouvé cette partie du récit très instructive. J'ai également aimé qu'il nous partage sa vision de la Russie contemporaine.

"C'est une constante de la pensée soviétique, m'expliquait Montefiore, c'est peut-être même le cœur du logiciel soviétique, depuis sa naissance, de nommer les choses au rebours exact de leur réalité et de faire vivre les gens dans un univers de mensonge sans limite ni repère, d'inversion généralisée. Le plus devient le moins, le moins devient le plus, la misère l'opulence, le goulag la liberté."

Le dernier chapitre est le plus intime du livre. Emmanuel Carrère y raconte la dernière semaine de sa mère et ses dernières heures. C'est émouvant, bien entendu, mais sans pathos. Je serais bien incapable de raconter un moment aussi intime, mais je dois reconnaître qu'il le fait très bien.

 

Un récit très intéressant

 

"Les pavés de l'été" chez "La petite liste"

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