Stock - 152 pages
Rentrée littéraire 2008
"Depuis qu’il est monté dans la Camaro, Thomas, dix ans, répète, comme il le fait toujours :"Où on va, papa ? "
Au début, je réponds : " On va à la maison. "
Une minute après, avec la même candeur, il repose la même question, il n’imprime pas. Au dixième " Où on va papa ? " je ne réponds plus…
Je ne sais plus très bien où on va, mon pauvre Thomas.
On va à vau-l’eau. On va droit dans le mur.
Un enfant handicapé, puis deux. Pourquoi pas trois…
Je ne m’attendais pas à ça.
Où on va papa ?
On va prendre l’autoroute, à contresens.
On va en Alaska. On va caresser les ours. On se fera dévorer.
On va aux champignons. On va cueillir des amanites phalloïdes et on fera une bonne omelette.
On va à la piscine, on va plonger depuis le grand plongeoir, dans le bassin où il n’y a pas d’eau.
On va aller à la mer. On va au Mont-Saint-Michel. On ira se promener dans les sables mouvants. On va s’enliser. On ira en enfer.
Imperturbable, Thomas continue : "Où on va papa ? " Peut-être qu’il va améliorer son record.
Au bout de la centième fois, ça devient vraiment irrésistible. Avec lui, on ne s’ennuie pas, Thomas est le roi du running gag"
Avec un humour décapant "à la Desproges", Jean Louis Fournier nous raconte le drame de sa vie, dans un court récit à la fois drôle et tendre, à l'image du regard qu'il pose sur ses deux enfants handicapés. J'ai pouffé de rire plusieurs fois, tout en étant bouleversée par le destin cruel de ces "petits oiseaux ébouriffés" qui ont la malchance d'être tombés du ciel tout "cabossés" (à la fois physiquement et mentalement).
"Thomas et Mathieu n'ont jamais cru au Père Noël, ni au petit Jésus. Ils avaient de bonnes raisons. Ils ne lui ont jamais écrit une lettre pour lui demander quelque chose. Ils étaient bien placés pour savoir que le petit Jésus ne faisait pas de cadeaux. Ou alors, quand il en faisait, valait mieux se méfier".
J'ai beaucoup aimé le ton de ce récit, à la fois drôle et émouvant. Je suis tout de même un peu surprise qu'il ait été en lice pour les prix littéraires (il a obtenu le prix Fémina). Il me semble qu'il se situe dans un autre registre que celui de la littérature. J'imagine bien le texte repris dans un "one man show", par exemple, les courtes saynètes s'y prêtent bien. Mais que Jean-Louis Fournier soit récompensé d'une façon ou d'une autre pour ce témoignage est mérité car c'est :
Une belle leçon d'humour... et de vie.
Beaucoup d'avis sur la blogosphère
A noter : Jean-Louis Fournier a collaboré professionnellement avec Pierre Desproges. C'était aussi son ami. Il est l'auteur du fameux faire-part de décès : «Pierre Desproges est mort d'un cancer. Étonnant non ?»