POL 2009 - 310 PAGES
De son précédent livre, "Un roman russe", j'avais écrit ceci :
« Je dois vous dire que ce livre m'a bousculée. J'ai aimé cette lecture tout autant qu'elle m'a dérangée…. Je crois que ce qui m'a gênée le plus, c'est la façon d'être et de penser de l'écrivain, égocentrique et déconnecté de la vraie vie… ».
Dans « D’autres vies que la mienne », l’égocentrisme ne prend pas le dessus et nous sommes dans la vraie vie, aucun doute là-dessus.
Le livre commence ainsi : En 2004, passant ses vacances au Sri Lanka avec sa compagne Hélène et leurs enfants respectifs, Emmanuel Carrère a vécu en direct le drame du Tsunami. Avec Hélène, ils ont épaulé un couple de français qui venaient de perdre une petite fille dans la catastrophe. Il faut parfois être confronté au malheur des autres pour accéder au bonheur. C'est terrible, mais c'est ainsi. Le couple parlait de séparation et sort renforcé de l’épreuve.
Rentrant en France, une autre épreuve les attend : le couple apprend que la sœur d’Hélène, Juliette, est atteinte d’un cancer. Quelques temps après, la jeune femme décède de sa maladie et laisse derrière elle un mari, trois petites filles et un travail qu’elle aimait. Elle était juge au tribunal d’instance de Vienne. Durant sa carrière, elle s’était liée d’amitié avec un collègue juge, Etienne. Emmanuel Carrère rencontre ce juge, qui lui suggère d’écrire un livre sur Juliette. Une série d’entretiens entre les deux hommes s'instaure. Le livre qui en découle parle de Juliette, de sa vie, de son travail. Il est question de gens pauvres et surendettés qui se font arnaquer par des organismes de crédit mais aussi de la vie de famille d’une jeune juge, simple et sans artifice. La dignité de Juliette face à sa maladie force l’admiration. Emmanuel Carrère évoque avec tact et subtilité ces sujets délicats.
J’appréhendais cette lecture tout autant qu’elle me tentait. J’étais curieuse de voir Emmanuel Carrère aborder d’autres vies que la sienne mais je craignais de me trouver « voyeur » de ces vies. Cela n’a pas été le cas, le récit est pudique et ne laisse pas de place au pathos. Nous ne réfléchissons pas tous les jours au rapport que nous entretenons avec le malheur des autres. Ce récit atypique et profond nous y incite. Il peut paraître étonnant d'évoquer des sujets aussi divers dans un même récit (le tsunami, le surendettement, le cancer...). Grâce au talent de l'écrivain tout cela se tient, le fil conducteur étant le regard d'Emmanuel Carrère sur tout cela.
Me suis-je réconciliée avec Emmanuel Carrère ? Oui, je le crois.
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