Actes Sud - 2010 - 154 pages
J’avais été très marquée par son précédent roman « Dieu est un animal », un livre très fort, très pessimiste, sur le thème de la guerre. Dans « où j’ai laissé mon âme», il est encore question de la guerre, sous l’angle de la torture, cette fois. Nous écoutons le long monologue intérieur du lieutenant Andréani qui s’adresse à son supérieur, le capitaine Degorce. Tous deux ont torturé pour extorquer des renseignements à « l’ennemi », durant la guerre d’ Algérie. Alors que le lieutenant est persuadé d’avoir accompli pour le mieux la mission qui lui était confiée, son supérieur n’assume ses actes et considère qu’il a « perdu son âme ». La conscience du Capitaine Degorce ne lui laisse pas de répit car il sait que ses actes sont injustifiables et impardonnables. Le lieutenant ne comprend pas les états d'âmes de son supérieur.
Cette histoire présente deux types de bourreaux : ceux qui agissent froidement et les autres, ceux qui n’étaient pas faits pour cela mais que les circonstances ont conduit à commettre des actes de barbaries qui les dépassent. Hélas, le résultat est le même. C’est un livre très prenant, d’une construction irréprochable et magnifiquement écrit. Comme dans son précédent livre, Jérôme Ferrari explore l’âme humaine sans la juger. Il nous donne des clefs pour tenter de comprendre comment, ayant été soi même victime, on peut un jour passer de l’autre bord et tomber dans une descente aux enfers sans retour arrière possible. Effrayant…
« Si la vie n’avait pas fait de vous un soldat, mon capitaine, s’il nous vous avait pas fallu être installé au premier rang de la salle de classe, vous aussi vous vous seriez indigné, vous auriez peut-être envoyé des articles de protestations à vos amis de l’Humanité, vous auriez disserté sur les droits imprescriptibles de l’être humain, sur sa dignité, et vous auriez contemplé avec émerveillement vos belles mains propres et blanches, sans jamais soupçonner qu’un cœur de bourreau battait dans votre poitrine ».
Un roman impressionnant par sa profondeur d’analyse et sa qualité d'écriture