Le livre de poche 1966 (Gallimard 1957)
On a beaucoup parlé de Camus à l’occasion de la célébration du 50ème anniversaire de sa mort. De l’auteur étudié à l’école, j’avais presque tout oublié. Les films et reportages proposés par les médias pour l'occasion m’ont passionnée. Son histoire avec l’Algérie, sa passion pour le journalisme et bien d’autres aspects de sa vie m’ont donné envie de redécouvrir son oeuvre. J’ai choisi de replonger dans « l’étranger », roman dans lequel il fait passer ses idées sur la justice, la religion et l’absurdité de l’existence humaine.
L’histoire se passe à Alger, la ville natale de l’auteur. Le roman commence par ces phrases : Aujourd'hui, maman est morte. Où peut-être hier, je ne sais pas. J'ai reçu un télégramme de l'asile : "Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués." Cela ne veut rien dire. C'était peut-être hier. Nous comprenons vite que le narrateur, Meursault, n’est pas très affecté par la mort de sa mère, il ne s’en cache guère. Ce n’est son genre de jouer la comédie. Après avoir enterré sa mère, Meursault reprend le cours de son existence de jeune célibataire et profite tranquillement de la vie. Mais un jour, parce qu’il fait trop chaud et qu’il y a trop de lumière (mobiles étonnants) il tue un homme. S’en suivent une arrestation et un procès. Mais peut-on appeler cela un procès ?
Meursault est un homme qui ne ment pas, ni à lui-même, ni aux autres. En cela, il est très attachant. Mais c’est un personnage que l’on ne peut aimer à cent pour cent. On peut notamment lui reprocher son indifférence vis-à-vis d’autrui, d’où probablement le titre du roman « l’étranger ». Par ailleurs, on voudrait le voir plus combatif, moins fataliste. Mais l’homme reste fidèle à sa ligne de conduite, y compris dans un procès où il joue sa peau. Je dois dire qu’il m’a mise mal à l’aise par sa distance avec les évènements, ce qui ne m’a pas empêchée d’être de tout cœur avec lui durant le procès. Comment ne pas être révolté par le comportement d’un tribunal qui juge un homme avec si peu d’éthique ?
Pour finir, quelques mots de Camus évoquant son livre, plusieurs années après l'avoir écrit. Qui, mieux que lui peut nous éclairer sur le personnage de Meursault ? :
« J'ai résumé L'Étranger, il y a longtemps, par une phrase dont je reconnais qu'elle est très paradoxale : “Dans notre société tout homme qui ne pleure pas à l'enterrement de sa mère risque d'être condamné à mort.” Je voulais dire seulement que le héros du livre est condamné parce qu'il ne joue pas le jeu. En ce sens, il est étranger à la société où il vit, où il erre, en marge, dans les faubourgs de la vie privée, solitaire, sensuelle. Et c'est pourquoi des lecteurs ont été tentés de le considérer comme une épave. On aura cependant une idée plus exacte du personnage, plus conforme en tout cas aux intentions de son auteur,si l'on se demande en quoi Meursault ne joue pas le jeu. La réponse est simple : il refuse de mentir. » (...)
Si l’on entre aisément dans ce livre, on en sort moins facilement…