Audiolib 2014 (Grasset 2013) - 9 heures 10 - lu par Féodor Atkine
Tout a commencé par une histoire d'amitié, sans laquelle rien ne serait arrivé. George, le narrateur, a rencontré Sam alors qu'il était étudiant. Tous deux étaient passionnés de théâtre. Sage et réfléchi, il forçait l'admiration de George. Gauchiste plus ou moins activiste, Georges avait des idées politiques bien arrêtées, Sam était plus modéré. Ce dernier, juif d'origine grecque, avait été marqué dans sa chair par la révolte contre la dictature des colonels, en 1973. Il était alors un militant engagé. Sam est devenu le meilleur ami de Georges, le témoin de son mariage puis le parrain de sa fille.
Quelques années plus tard, dans les années 80, Sam, gravement malade et condamné, demande à George une chose insensée. Il s'agit de continuer à sa place le projet qu'il avait engagé : monter la pièce "Antigone" d'Anouilh, à Beyrouth, en pleine guerre civile. Cette pièce est un prétexte pour tenter d'organiser une trêve de quelques heures dans la barbarie de la guerre, en réunissant les ennemis autour d'un projet commun. George, ne pouvant rien refuser à son ami, laisse alors femme et enfant pour se rendre au Liban, les notes de son ami en poche et une bonne dose d'inconscience dans ses valises. Il ne sait pas encore qu'il ne rentrera pas de ce voyage indemne. Une tragédie se jouera bien à Beyrouth, mais pas celle que l'on croit. Georges, qui ne voulait pas prendre parti pour un camp ou pour un autre, se trouve embarqué malgré lui dans la violence et la haine de l'autre.
Sorj Chalandon réussit l'exploit de raconter l'irracontable, l'inimaginable, avec une écriture ou chaque phrase est porteuse de sens, dont on voudrait se souvenir absolument pour la méditer plus tard. Mais impossible de les noter toutes alors on les enchaîne, sans répit, jusqu'au bout. Avant de commencer cette lecture, je m'étais replongée un peu dans le contexte de la guerre du Liban, une guerre civile absolument terrible, marquée notamment par les massacres de Sabra et Chatila. Au travers des mots de Sorj Chalandon, j'ai eu l'impression de vivre cette guerre en direct, embarquée aux côtés de Georges dans l'horreur de ce combat fratricide. Jai été écoeurée par ce que je voyais. J'ai pleuré de tristesse et tremblé d'effroi. J'ai rarement été aussi secouée par un texte.
Dans l'entretien qui suit la lecture de l'ouvrage, Sorj Chalandon nous explique avec beaucoup d'émotion qu'il a couvert le Liban dans les années 80, comme journaliste de guerre, et que George, c'est un peu lui. Il nous explique qu'il a écrit ce livre pour se soulager un peu du poids cette expérience traumatisante dont il n'est pas sorti indemne, lui non plus.
Sorj Chalandon nous offre un roman absolument bouleversant, à lire (ou mieux à écouter) absolument. A noter que le 4ème mur a obtenu le Prix Goncourt des Lycéens en 2013.
La version audio est formidable (je pèse mes mots). Le lecteur (Fédéor Atkine) a exactement le ton qui convient à ce texte.
Ecoute commune avec les copines du Prix Audiolib Enna et Sandrine
16/18