Editions POL - 488 pages - aout 2011
J’avais été bousculée par "Un roman russe", bluffée par "D’autres vies que la mienne", j’attendais donc beaucoup de "Limonov" ...
Comme dans ses trois précédentes œuvres, Emmanuel Carrère nous propose une œuvre d’un genre atypique, entre le roman et l’essai. Au centre du projet un homme, d’origine russe et dont le pseudo est "Limonov". Cet homme est né dans les années 40 et sa vie est pour le moins tumultueuse. Après avoir été une sorte de petite frappe durant sa jeunesse en Ukraine, il a fait partie de "l’underground" soviétique à l’époque de Brejnev. Voyant qu'il n’avait pas de perspective pour s’épanouir en URSS de la façon dont il l’entendait, il a choisi de tenter sa chance aux Etats-Unis où il a touché le fond, multipliant les aventures en tous genres (y compris sexuelles) avant de remonter la pente avec toute l’énergie dont il est capable. Il s’est mis à écrire des poèmes et a obtenu un petit succès. Après les USA, c’est en France qu’il a tenté sa chance. A Paris, il a fréquenté une certaine faune intellectuelle (des gens comme Jean-Edern Allier). Il gagnait sa vie modestement en publiant des récits autobiographiques. Mais bien vite, il s'est ennuyé et s'est lancé dans une nouvelle aventure : faire la guerre dans les Balkans aux cotés des Serbes… On le retrouve plusieurs années plus tard en Russie, de nouveau, endossant cette fois le rôle d’un militant actif du Parti National Bolchevique (sorte de parti néo-nazi)… Vous l’aurez compris, Limonov est un être difficile à cerner, capable du meilleur comme du pire. On peut l’admirer à certains moments, le détester à d’autres. Il ne laissera sans doute pas une grande trace dans l’histoire, ce qui lui fait dire qu’il a eu"une vie de merde" mais le moins que l'on puisse dire, c'est que sa vie n'est pas banale.
Comme dans les précédents ouvrages, dès le début de la lecture, une proximité avec l’auteur s’installe. On pourrait presque employer le mot "intimité". Ce qui est passionnant également dans ce livre, c’est le mélange des genres. Roman d’aventure, histoire de la Russie depuis la fin de la seconde guerre mondiale, c’est aussi le regard d'Emmanuel Carrère sur un pays, la Russie. Le challenge de l'auteur était d’aborder de façon simple et compréhensible par le plus grand nombre, cette période de l’histoire. J’ai refermé le livre en ayant le sentiment d’avoir compris ce qu'avait été la Russie de ces cinquante dernières années, ce qui n’est pas rien ! C’est donc un challenge parfaitement réussi en ce qui me concerne. J'ajouterai que l'ouvrage est suffisamment distrayant pour que les pages se tournent toutes seules. Ce livre mériterait une seconde lecture, plus attentive, en prenant des notes, en réfléchissant. Mais ce sera pour plus tard, d’autres lectures m’attendent...
Mais pourquoi l’a-t-on éjecté du Goncourt ? Je proteste !
Un ouvrage fascinant…
5/7