Audiolib 2019 (les Editions de Minuit 2018) - Lu par Clara Brajtman
"Çà raconte Sarah, sa beauté inédite, son nez abrupt d'oiseau rare, ses yeux d'une couleur inouïe, rocailleuse, verte, mais non, pas verte, ses yeux absinthe, malachite, vert-gris rabattu, ses yeux de serpent aux paupières tombantes. Ça raconte le printemps où elle est entrée dans ma vie comme on entre en scène, pleine d'allant, conquérante. Victorieuse"
"Çà raconte çà, le silence tonitruant et les jours cotonneux dans lesquels on flotte, quand on offre la vérité".
La narratrice (dont on ignore le nom) est professeure et mère célibataire. Jusqu'à sa rencontre avec Sarah, une jeune violoniste, elle n'avait jamais été attirée par une femme. L'attraction est réciproque, immédiate et fulgurante.
La première partie, celle que j'ai préférée, est centrée sur Sarah. La jeune violoniste doit voyager pour se produire sur scène et les kilomètres qui séparent les deux femmes sont un supplice pour l'une comme pour l'autre. Elles souffrent terriblement du manque lié l'absence et pourtant, quand elles sont réunies, ne parviennent pas à vivre sereinement leur amour. Sarah n'a pas un caractère facile, elle est entière et capable du meilleur comme du pire.
Nous savons dès le départ que leur avenir en commun est compromis. Dans la deuxième partie, le focus est mis sur la narratrice, désormais seule et ravagée. Nous la suivons dans une descente aux enfers vertigineuse et implacable. Nous ne sommes plus à Paris mais à Trieste. Un beau décor mais qui ne parvient pas à détourner la narratrice de sa peine.
Dans la première partie, les deux mots " çà" et "raconte", reviennent comme une ritournelle. Les phrases sont courtes, très rythmées. La deuxième partie est écrite de façon plus classique. La musicalité du texte ressort bien dans la version audio. Le timbre de voix de la lectrice est en parfait accord avec le texte, que je suis ravie d'avoir écouté plutôt que lu en version papier.
"Çà raconte Sarah" évoque la face la plus sombre de la passion amoureuse, celle qui fait perdre la maîtrise de soi. C'est un premier roman a fait parler de lui à la rentrée littéraire. Il a obtenu plusieurs prix. Sans être un coup de cœur, c'est une lecture que j'ai appréciée pour l'originalité de l'écriture.