Le quartanier - 576 pages
Le narrateur est un jeune homme intelligent, bosseur et attachant mais il a un gros problème, une addiction aux machines à sous. Sa maladie détruit peu à peu sa vie et nous assistons, impuissants à son naufrage. Fort heureusement, il trouve sur son chemin des anges gardiens qui vont l'aider à sortir la tête de l'eau. Le jeune étudiant va pouvoir compter sur un cousin mais aussi sur un collègue du restaurant dans lequel il travaille, comme plongeur, pour tenter d'éponger ses dettes. Il a abandonné ses études de graphisme.
Les passages que j'ai préférés sont ceux qui se passent dans l'arrière-cuisine du restaurant. L'auteur nous décrit de façon spectaculaire "l'envers du décor", tout ce que l'on ne voit pas en tant que client. Nous voilà dans la peau du plongeur à frotter, décrasser, ranger, aider à gauche et à droite sans répit.
"'Au bout de dix minutes de frottage et de décrassage, j'étais presque aussi trempé que si on m'avait enfermé dans un lave-auto en marche. Mes mains se ratatinaient déjà dans la gibelotte du dish pit, le bout de mes doigts était éraflé par la laine d'acier, mes bras s'enlisaient jusqu'aux coudes dans l'eau brune et graisseuse. La vapeur d'eau faisait coller sur mon visage les miettes de nourriture et les éclats d'aliments calcinés qui revolaient sous le jet du gun à plonge".
Le phénomène de l'addiction est également très bien illustré. L'auteur prend le temps de décortiquer le mécanisme de la maladie et nous montre pourquoi il n'est pas possible de s'en sortir sans aide.
L'histoire se passe à Montréal et les dialogues sont savoureux. Après un petit moment d'adaptation, je me suis habituée à l'argot québécois et je me suis régalée. Voilà ce que cela peut donner :
- "Perds pas le beat, sinon t'es faite. Si ça rushe et que c'est pas assez propre, checke les savons pis le filtre."
- "Pas pire pantoute pour un premier shift."
-" Faut que tu clanches ça en moins de vingt minutes si tu veux pas que ta vaisselle s’accumule trop. "
Il n'est pas toujours facile de sortir de sa zone de confort, surtout quand l'ouvrage fait plus de 500 pages et que l'on manque de temps pour lire. Mais quel bonheur quand l'expérience est réussie, comme c'est le cas avec ce livre. S'embarquer dans ce roman, c'est partir pour une aventure hors du commun. Ce n'est pas le Montréal des cartes postales qui nous est décrit mais celui des quartiers qui craignent un peu la nuit, celui des étudiants qui zonent, des travailleurs de l'ombre.
Un très bon premier roman !
Lu grâce au Picabo River Book Club